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Comptes rendus

Buechler, Simone Judith. 2014. Labor in a Globalizing City. Economic Restructuring in São Paulo, Brazil

New York : Springer, xiv-340 p.
Sylvain Souchaud
Référence(s) :

Buechler, Simone Judith. 2014. Labor in a Globalizing City. Economic Restructuring in São Paulo, Brazil, New York : Springer, xiv-340 p.

Texte intégral

1L’ouvrage de Simone Judith Buechler porte sur les transformations du monde du travail brésilien à la suite des évolutions économiques globales qui sont intervenues dans les années 1990. L’auteur concentre son analyse sur la métropole de São Paulo, ville « globalisante » (globalizing city qu’elle distingue des global cities) depuis le début de la décennie 1990. Elle s’intéresse aux femmes actives des quartiers populaires dont elle reconstitue les trajectoires professionnelles et familiales.

2C’est l’époque où les populations ouvrières et leurs familles subissent de plein fouet la crise économique et la réorientation dite néolibérale de l’économie brésilienne. La situation est particulièrement sévère dans le secteur industriel dont le poids face aux services diminue depuis plusieurs décennies et qui, depuis le Plan real de 1994, est confronté à l’ouverture à la concurrence étrangère. La restructuration économique en cours se caractérise par le développement de la sous-traitance et la flexibilisation du travail. La fragmentation des activités productives des entreprises industrielles s’accompagne d’une précarisation des travailleurs de l’industrie, tant du point de vue de la couverture sociale que de représentation syndicale.

3L’auteur déploie son analyse des restructurations du marché du travail industriel sur trois niveaux : par l’exposé des orientations économiques du Brésil, influencées par l’idée de « l’efficacité des marchés » célébrée dans « l’idéologie politique » de la globalisation ; par l’examen des changements organisationnels au sein des entreprises industrielles, alliant flexibilisation et externalisation ; par le suivi de l’évolution du travail parmi les populations féminines des quartiers populaires où le chômage, la précarité et l’insécurité des statuts d’emploi progressent. Afin d’explorer les conséquences de la globalisation sur ces phénomènes, Buechler fonde son analyse sur deux positionnements, à la fois théoriques et méthodologiques : premièrement, étudier le global nécessite de se focaliser sur le local ; deuxièmement, le secteur formel et le secteur informel sont complémentaires, ce principe structure l’économie métropolitaine et garantit son insertion dans la globalisation. L’auteur s’intéresse alors à trois formes emblématiques de travail : le travail à domicile, le travail dans les ateliers clandestins et le commerce de porte à porte.

4Le livre est le résultat d’une recherche au long cours, effectuée pour l’essentiel dans les années 1990 et complétée par des retours réguliers sur le terrain permettant de suivre les ménages initialement rencontrés. L’auteur avait mis en place un vaste dispositif de collecte d’informations, constitué d’enquêtes par questionnaire (surveys), d’entretiens ciblés et d’observations participantes auprès de populations de trois quartiers populaires de la métropole. Deux d’entre eux, Jardim Sudoeste et Favela Sul, sont situés dans le sud de la commune de São Paulo (município de São Paulo – MSP). Le troisième (Favela Leste), à proximité des deux premiers, dépend de la commune industrielle de Diadema. Ces trois territoires combinent différentes formes d’habitats populaires : favelas, lotissements irréguliers et unités de logements sociaux (Cingapura). Des tableaux de données statistiques sur l’emploi industriel issues du SEADE (Sistema estadual de análise de dados) et du DIEESE (Departamento intersindical de estatística e estudos socioeconômicos) complètent les résultats de l’enquête de terrain.

5Le premier chapitre est une longue introduction. La problématique est clairement exposée et différents éléments de cadrage sont mis en perspective et illustrés par le parcours de l’une des habitantes que l’auteur a suivie tout au long de ces années. Le chapitre 2 est un tableau des évolutions économiques dressé à partir des témoignages de différents acteurs de la société métropolitaine : travailleurs, représentants d’associations de quartier, dirigeants syndicaux, patrons d’entreprises, responsables politiques livrent leur vision de la globalisation et de ses effets sur l’organisation du marché du travail. Le chapitre 3 nous fournit une présentation synthétique de l’histoire industrielle de São Paulo et de l’emploi des femmes dans l’industrie. Puis, à partir d’entretiens avec des dirigeants de six entreprises industrielles établies à proximité des terrains d’étude, l’auteur explore différentes formes d’organisation de la production associées à la flexibilisation interne. Le quatrième chapitre nous permet de mieux connaître les trois quartiers étudiés. L’auteur retrace l’historique de l’occupation de ces espaces récemment intégrés dans la métropole, puis elle présente les traits marquants de leur organisation communautaire et enfin décrit la situation actuelle de l’emploi. L’exposé se conclut avec le portrait d’une travailleuse. Dans le chapitre 5, la flexibilisation externe est illustrée par la description et l’analyse du fonctionnement des ateliers de confection clandestins, où les ouvriers boliviens sont dirigés par des patrons coréens ou boliviens. Le chapitre 6 porte sur le petit commerce de quartier et la vente ambulante. Le dernier chapitre est consacré à l’action politique des différents acteurs impliqués localement dans la formulation des politiques sociales et la défense des travailleurs.

6L’ouvrage de Simone Buechler est une contribution à l’étude de la restructuration économique de la fin du XXe siècle à São Paulo, à la fois riche et originale. La proposition de l’auteur d’étudier la globalisation à partir d’une entrée locale, et d’articuler les différentes échelles d’observation, n’est pas nouvelle mais cet ouvrage atteint précisément ses objectifs, grâce à l’utilisation d’un matériau dense (enquêtes de terrain, données agrégées) mis en perspective par de remarquables synthèses historiques. On regrettera que la proposition, annoncée dès l’introduction, de lier les analyses portant sur les années 1990 avec la situation récente n’aboutisse pas vraiment au fil de l’étude, par manque d’actualisation des données. Ce livre est néanmoins une référence importante sur la situation des quartiers populaires et le travail des femmes dans une métropole post-industrielle brésilienne.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sylvain Souchaud, « Buechler, Simone Judith. 2014. Labor in a Globalizing City. Economic Restructuring in São Paulo, Brazil »Brésil(s) [En ligne], 10 | 2016, mis en ligne le 30 novembre 2016, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/bresils/2041 ; DOI : https://doi.org/10.4000/bresils.2041

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