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Comptes rendus

Mello, Marco Antonio da Silva, Silva, Luiz Antonio Machado da, Freire, Letícia de Luna, Simões, Soraya Silveira (coord.). 2012. Favelas cariocas: ontem e hoje

Rio de Janeiro, Garamond Universitária, 520 p.
Dominique Vidal
p. 211-213
Référence(s) :

Mello, Marco Antonio da Silva, Silva, Luiz Antonio Machado da, Freire, Letícia de Luna, Simões, Soraya Silveira (coord.). 2012. Favelas cariocas: ontem e hoje. Rio de Janeiro, Garamond Universitária, 520 p.

Texte intégral

1Encore un livre sur les favelas de Rio ne manquera-t-on certainement pas de penser en découvrant la couverture de cet ouvrage collectif de plus de cinq cent pages issu d’un colloque organisé en mai 2010 par le Laboratório de Etnografia Metropolitana (LeMetro) de l’Université fédérale de Rio de Janeiro. Ce serait pourtant là le jugement pour le moins hâtif de qui n’a pas pris connaissance de son contenu. Les contributions qui y sont rassemblées s’interrogent en effet de manière originale sur l’évolution des favelas cariocas depuis la publication par le quotidien O Estado de São Paulo (avril 1960) de l’enquête menée par le SAGMACS de 1957 à 1959, événement essentiel pour leur connaissance par un large public. Cet institut de recherche – plus connu sous le nom de son acronyme que sous celui de son insolite désignation complète de Sociedade de Análises Gráficas Mecanográficas Aplicadas aos Complexos Sociais – avait été créé à São Paulo en 1947 par le dominicain français Louis-Joseph Lebret, le fondateur du mouvement Économie et humanisme. Et c’est d’ailleurs sur une commande d’O Estado de São Paulo que le SAGMACS avait entrepris cette enquête.

2Que reste-t-il aujourd’hui de cette recherche pionnière sur seize favelas de ce que l’on appelait alors le District fédéral ? Que sont devenues depuis les favelas de Rio de Janeiro qui, si quelques-unes ont disparu, n’ont jamais vu cesser de croître leur nombre et leur population ? Telles sont au fond les deux grandes questions qui sous-tendent la quasi-totalité des chapitres de cet ouvrage judicieusement organisé en trois parties.

3Après une introduction signée par Marco Antonio da Silva Mello, Letícia de Luna Freire et Soraya Silveira Simões, qui présente efficacement l’orientation générale du livre, la première partie revient plus précisément sur ce fameux rapport de la SAGMACS et sur la favela comme objet de recherche. Tour à tour, José Arthur Ramos, Luiz Antonio Machado da Silva, Lícia Valladares, Maria Pereira da Silva, Paulo Knauss, Mario Sergio Brum, Cezar Honorato, Maria de Fatima Gomes et Bruno Alves de França examinent sa place dans la production scientifique sur les favelas. Tous, sous des angles différents, insistent sur son importance tant pour la connaissance des populations concernées que pour les interventions dirigées vers ces espaces. Car, si l’apport de l’enquête est incontestablement daté, tant la physionomie des favelas et le contexte sociopolitique ont changé au cours des cinquante dernières années, sa rigueur et sa richesse docu­mentaire restent toujours une référence essentielle en la matière.

4Six chapitres forment la deuxième partie qui s’intéresse aux représentations et aux questions relatives au logement et au droit dans les favelas. Au moyen de l’étude des photographies de presse, Mauro Amoroso étudie le changement du regard des médias sur ces lieux tantôt occupés, dans les années 1950, à exprimer l’avancée du « progrès » à une époque de construction, tantôt, dans la décennie suivante, à suggérer le retard qu’ils manifestent. Janice Perlman, à partir d’enquêtes menées à quarante ans d’intervalle (entre 1969 et 2009), montre combien, en même temps que les conditions de vie dans les favelas s’amélioraient, l’ampleur de la violence homicide créée par le trafic de stupéfiants en a considérablement altéré l’atmosphère pour leurs habitants se sentant plus que jamais marginalisés. Gerônimo Leitão analyse la tension entre une vision homogénéisante de la favela et la diversité qui existe entre elles et en leur sein, comme c’est le cas dans la Rocinha, la plus peuplée de toutes. En historien, Rafael Soares Gonçalves met en évidence combien les propositions faites par l’équipe de la SAGMACS contiennent déjà les idées qui sous-tendent la conception de la propriété véhiculée par la Constitution fédérale de 1988, qui entend assurer la possibilité de l’exercice de ce droit à tous les citadins. Dans son prolongement, les deux derniers chapitres de cette partie, respectivement écrits par Alex Ferreira Magalhães et Cláudia Franco Corrêa, objectivent les différents aspects de la propriété immobilière dans les favelas.

5La dernière partie examine une série de problèmes auxquels font face aujourd’hui ces territoires urbains, tout en les resituant dans leur historicité pour mieux les rendre intelligibles. Luiz Cezar de Queiroz Ribeiro et Marianne Olinger soulignent ainsi l’évolution de la place occupée par la favela dans le débat public et la marchandisation dont elle est progressivement devenue l’objet dans le processus plus général d’application à la ville des règles du marché. Maria Julieta Nunes s’attache à montrer la façon dont elle est désormais considérée dans le Plan directeur de Rio de Janeiro. Dans sa continuité, Marcelo Baumann Burgos insiste sur le droit à la ville qu’ont exprimé les luttes des habitants des favelas pour s’opposer à leur éradication et obtenir des travaux d’urbanisation. Enfin, les trois derniers chapitres (Jorge da Silva, Jailson de Souza e Silva, Neiva Vieira da Cunha et Marco Antonio da Silva Mello) abordent la question de la violence et de l’une des réponses que les pouvoirs publics cherchent à lui opposer avec la mise en place des controversées Unités policières pacificatrices.

6Ce serait là déjà bien assez pour satisfaire un lecteur avide, mais les organisateurs de l’ouvrage ont eu l’heureuse idée de ne pas s’en contenter et de placer en guise de postface un article original de Colette Pétonnet sur ses recherches sur les bidonvilles de la région parisienne dans les années 1960 et 1970. On saisit alors d’autant mieux l’intérêt de la démarche comparative ainsi suggérée que le cahier iconographique qui ferme l’ouvrage, composé par Felipe Berocan Veiga, réunit des photos prises par cette anthropologue urbaine, disparue en 2012, avec d’autres, plus ou moins récentes, de favelas de Rio. Et, comme si cela ne suffisait pas, il y a encore une cerise sur le gâteau avec, collé contre la troisième de couverture, une enveloppe contenant sur CD-ROM le fac-similé de l’édition intégrale de l’étude de la SAGMACS publiée en 1960. C’est dire que les raisons de se procurer Favelas cariocas: ontem e hoje ne manquent décidément pas.

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Pour citer cet article

Référence papier

Dominique Vidal, « Mello, Marco Antonio da Silva, Silva, Luiz Antonio Machado da, Freire, Letícia de Luna, Simões, Soraya Silveira (coord.). 2012. Favelas cariocas: ontem e hoje »Brésil(s), 3 | 2013, 211-213.

Référence électronique

Dominique Vidal, « Mello, Marco Antonio da Silva, Silva, Luiz Antonio Machado da, Freire, Letícia de Luna, Simões, Soraya Silveira (coord.). 2012. Favelas cariocas: ontem e hoje »Brésil(s) [En ligne], 3 | 2013, mis en ligne le 06 mai 2013, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/bresils/532 ; DOI : https://doi.org/10.4000/bresils.532

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Auteur

Dominique Vidal

Université Paris Diderot, Unité de recherche Migrations et Société.

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CC-BY-NC-ND-4.0

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